samouraï

huile sur toile 90 x 90

Le samouraï, guerrier apparu au Xe siècleau Japon 

est représenté par J-Marc Schwaller tantôt de face, solidement campé sur ses jambes, les plaques de l’armure bien ajustées, le casque (kabuto) couronné d’ailettes fiché sur la tête, visière abaissée, menaçant, le sabre aiguisé prêt à fuser ; tantôt de profil, en pleine action, lancé comme un cheval au galop, jambes arquées, le sabre fendant l’air, la lourde armure cliquetant de la tête aux mollets, les plaques pivotant sur leurs rivets, les ailettes vacillant au sommet. Le trait d’aquarelle est cinglant ; les tons rougeoyants dominent, les rehauts de noir façonnent l’espace en profondeur.

Les figures de samouraïs, de seigneurs de la guerre – titre donné à deux toiles exposées à la 1re Biennale d’art international à Pékin en 2003 – et d’athlètes (escrimeurs, sportifs d’aïkido) que Schwaller explore dans les années 1990–2000, appartiennent au versant de son œuvre consacré au destin de l’homme et à ses combats. « L’art est un métier de souffrance et de lutte », déclarait le peintre en 1998. 

Schwaller ne craint pas de s’attaquer aux grands mythes de l’histoire de l’art. On connaît des duels fameux comme ceux de Thésée affrontant le Minotaure et d’Hercule assommant le lion de Némée sur les vases antiques, de Jacob luttant avec l’ange et saint Georges tuant le dragon dans l’art chrétien ; chez Schwaller en revanche, comme souvent sur les estampes japonaises et à l’image du David du Bernin (1623), le samouraï combat seul un ennemi invisible. 

S’il isole ses samouraïs, c’est pour mieux se concentrer sur la décomposition du mouvement ample et maîtrisé de leur corps tout entier et exprimer avec force leur énergie héroïque, qu’ils soient d’ailleurs statiques ou dynamiques. Car même immobile, le samouraï demeure tendu et laisse transparaître le feu qui couve à l’intérieur.

« (…) saisir un fait à son point le plus vivant », disait un autre architecte du corps, Francis Bacon (1909-1992). Mais Schwaller ne pousse pas la dissection aussi loin. Ce qui l’intéresse, comme Le Bernin quand il sculpte dans le marbre David sur le point de jeter sa pierre ou le futuriste Umberto Boccioni quand il fond en bronze un personnage en pleine course (Formes uniques de la continuité dans l’espace, 1913), c’est la trace imprimée par le mouvement dans l’espace où se meut la forme humaine, le « vêtement de turbulences » qui la dissimule et l’illusion d’une présence ou des forces à l’œuvre. 

Le rapport dynamique à l’espace nourrit l’ensemble du travail de l’artiste. C’est dans le même esprit qu’il a réalisé durant trois années consécutives les décors pour l’Opéra de Fribourg.

Sarah Gaffino